Messieurs-dames ! Êtes-vous sûrs d’être égalitaires lorsqu’on parle d’hommes et de femmes ? Cette question ne l’est en tout cas pas. Pourquoi placer messieurs et hommes avant dames et femmes ? Pourquoi accorder l’adjectif « sûrs » au masculin alors qu’il est explicitement écrit que la gente féminine est présente ?
Une explication possible se trouve au coeur même de nos sociétés définies comme androcentristes. Ce mot un peu barbare découle du grec « andro » qui signifie « homme, mâle » et se définit comme étant un mode de pensée, conscient ou non, consistant à envisager le monde uniquement ou en majeure partie du point de vue des êtres humains de sexe masculin. En d’autres mots, une société créée par les hommes pour les hommes.
Une question de grammaire ?
En ce sens, le domaine linguistique démontre bien ce phénomène. Dans la langue française le masculin l’emporte toujours sur le féminin. Ainsi, un adjectif qui qualifie plusieurs noms de genres différents s’accorde automatiquement au masculin : « Mesdames et messieurs êtes-vous sûrs d’être égalitaires ». Cette règle datant du XVIIIe siècle trouve son explication en ces mots : « Le genre masculin est réputé plus noble que le féminin à cause de la supériorité du mâle sur la femme » (Nicolas Beauzée, grammairien, 1767).
Avez-vous déjà remarqué que les hommes sont souvent représentés à la gauche des femmes ? C’est le constat fait par la chercheuse Maas et son équipe (2009) après l’analyse de 200 images représentant des couples hétérosexuels. L’explication se trouve dans le balayage visuel découlant de l’écriture occidentale se faisant de gauche à droite. La grammaire est construite de sorte à ce que, généralement, le sujet précède l’objet. De ce fait, l’élément perçu comme plus important ou plus actif se trouvera à gauche. En suivant cette logique, nous percevons donc certaines catégories comme étant plus importantes ou plus actives (par exemple les hommes et les jeunes) et les plaçons préférentiellement à gauche d’autres catégories perçues comme moins importantes ou moins actives (par exemple les femmes ou les personnes âgées). Dans le langage écrit et oral l’objet masculin précédera donc très souvent l’objet féminin : messieurs-dames, hommes et femmes, mari et femme, père et mère etc.
Et de nos jours ?
Les mouvements féministes ont pour objectif de mettre en lumière l’oppression des femmes en tant que femmes ainsi que de lutter contre cette oppression afin d’atteindre l’égalité des sexes sur le plan économique, social, culturel, juridique et personnel. Il est donc question de dénoncer la domination masculine et patriarcale exercée sur les femmes. Cependant là se pose un autre problème. Cette vision du féminisme est une vision androcentriste où l’homme est placé au centre de la problématique, il est vécu et décrit comme l’origine du mal, le noyau du problème et place encore une fois la femme en position secondaire et passive. Si nous voulons réellement dénoncer les injustices subies par les femmes, ne devrions-nous pas commencer par placer les femmes au centre de la problématique et nous poser les bonnes questions : qui ou quoi veut soumettre les femmes aux hommes et pourquoi ? Pourquoi les femmes se soumettent-elles et acceptent-elles un système qui leur est défavorable ?
Remettre en cause le point de vue masculin et son adoption systématique est un premier pas pour promouvoir l’égalité. Lors de la grève du 14 juin ce sont les femmes qui seront au centre de la problématique, elles s’approprieront l’espace public et feront écouter leurs voix car sans elles il est impossible de construire un monde plus égalitaire. Que nous soyons partisan-e-s ou non de la grève, il est du devoir de chacune et chacun de réfléchir et se questionner sur sa propre responsabilité face aux inégalités de sexe/genre.
Texte inspiré du livre de Manon Garcia « On ne naît pas soumise, on le devient »